…Regard (s)
Ecrire sur les tableaux de Jean-Claude Amoric, c’est comme raconter un long voyage sidéral. Et ce voyage a commencé à Houdan. Ce fut la découverte d’un premier tableau accroché sur le mur de l’entrée, un tableau noir avec des saillies de couleur puis d’un second dans leur salon évoquant cette même profondeur obscure déchirée par des vives trainées de couleur, comme les traces laissées par des comètes.
Surpris par ma façon de regarder les toiles, l’artiste s’est dévoilé en répondant à ma question de qui en était l’auteur par un simple « c’est moi ». Sa pudeur avait du mal à masquer son air ravi. Ravi, assurément il l’était, car il me dirigeait vers son atelier regorgeant de toiles peintes ou en préparation, montrant comment il recherchait en permanence la justesse de son geste, la profondeur de ses noirs, leur application par couches fines ou par couches plus épaisses, plus massives.
Certains pourront y voir des toiles telluriques, d’autres des noirs cosmiques.
Tellurique quand il applique le noir à la spatule par couche parfois massive dans laquelle tel un laboureur, il y inscrit de longues et profondes stries desquelles jaillit le clair-obscur ; le peintre est semeur de lumière. Il ne faut pas chercher sur quelle planète il laboure le sol même s’il peut nous plaire de penser que ce pourrait être Vénus d’où émaneraient ces traits or, rouge, bleu, mauve, rose qui se déverseraient comme une pluie de poussières de lumière poussée par un vent cosmique.
Plus le regard demeure sur les toiles noires, et plus le noir devient cosmique, plus notre regard perçoit l’indicible, voyage dans l’au-delà. Notre esprit est happé par le vide cosmique. Le peintre nous invite dans son cosmos. Il y parsème des poussières d’or. C’est encore le semeur mais cette fois le semeur d’étoiles que d’aucuns penseraient être une nuit étoilée. Il est l’enfant allongé sur la terre regardant les étoiles, les comptant, cherchant à les nommer.
Soulages, le maître de l’outre noir nous avait démontré que le noir était lumière. Jean-Claude Amoric s’en inspire sans le copier. Les thèmes de ces toiles ne sont pas exclusivement des études sur le noir, sur sa capacité à capter la lumière et à la restituer. Jean-Claude Amoric est le poète peintre du cosmos ou le peintre poète de son moi.
Yves le Marrec, Rennes, Avril 2021.